Comment naît une information ?

Avant qu’un article, un reportage ou une interview ne parvienne au public, un long processus se met en place. Qui a eu l’idée ? Comment est-elle devenue un sujet diffusé ou publié ? Derrière cette mécanique, c’est tout un pan du métier de journaliste qui se révèle.
Tout commence avec une idée
Souvent, le point de départ est le ou la journaliste. Une observation, une situation repérée sur le terrain, une anecdote entendue dans la rue… Le réel nourrit l’inspiration. Car le journalisme, fondamentalement, consiste à raconter le monde tel qu’il est.
Mais parfois, cette idée vient de l’extérieur : une alerte transmise par un lecteur, une proposition d’un service de communication ou un communiqué de presse. Dans ce cas, le journaliste devient le relais d’une information portée à sa connaissance.
Quand le sujet vient d’ailleurs
Dans de nombreuses rédactions, en particulier dans les services dits « infos générales », les reporters ne choisissent pas leurs sujets. Chaque matin, après la conférence de rédaction, les chefs de service ou les rédacteurs en chef attribuent des sujets aux journalistes. Ces sujets peuvent émerger d’échanges internes… mais bien souvent, c’est un autre média, comme Le Parisien, qui sert d’inspiration.
Il n’est pas rare qu’un chef de service entre en salle de rédaction, journal à la main, et dise simplement : « Il faut qu’on fasse ça », en pointant un article. Puis vient la consigne classique : « Faut lui faire dire que ». Ce n’est pas une invitation à manipuler, mais plutôt à illustrer, contextualiser, trouver un témoignage qui incarne l’idée déjà exprimée ailleurs.
Cette logique peut réduire la marge de manœuvre du journaliste, transformé en exécutant plus qu’en initiateur. Cela peut mener à une certaine lassitude, voire à une perte de sens, surtout lorsque les sujets ne suscitent ni intérêt personnel ni motivation professionnelle. Elle soulève aussi des questions déontologiques : où commence le plagiat quand un reportage reprend presque à l’identique un sujet d’un autre média, parfois sans mention ?
Le marketing de l’idée
Parler de « marketing de l’information » peut sembler provocateur, mais dans la réalité des rédactions, il s’agit souvent de savoir vendre son sujet. Convaincre que son idée vaut la peine d’être traitée est un véritable exercice. Tous les journalistes n’y parviennent pas avec la même aisance, et ceux qui ne réussissent pas à « pitcher » efficacement peuvent voir leurs propositions ignorées, raccourcies, voire abandonnées.
La conférence de rédaction est un moment clé : une heure d’échanges entre journalistes, chefs de service et rédacteurs en chef. Chacun tente de défendre les sujets de son secteur – culture, politique, économie, sport… Mais les arbitrages sont inévitables. Tous les thèmes ne trouveront pas leur place, et certains, comme le sport, peuvent être relégués en fin de réunion, reflétant leur poids relatif dans la ligne éditoriale.
Et les propriétaires dans tout ça ?
Les dirigeants des médias interviennent rarement directement dans le choix des sujets. Mais cela peut arriver, comme l’a récemment illustré la mobilisation des journalistes des Échos, inquiets pour leur indépendance éditoriale au sein du groupe LVMH. Ces situations restent cependant marginales.
Il existe une influence plus discrète mais tout aussi structurante : celle du réel… ou plus exactement, de la réalité perçue par les journalistes. Si l’on considère que beaucoup d’entre eux vivent à Paris, ont suivi des formations similaires et évoluent dans des milieux proches, alors leurs représentations du monde peuvent converger – parfois au détriment de la diversité des points de vue.
Une information née d’un filtre social
Une info naît souvent d’un détail lu dans une dépêche AFP, d’un échange dans un cercle restreint, ou d’un écho entre confrères. Mais cette chaîne pose une question : dans quelle mesure les journalistes sont-ils représentatifs de la société qu’ils couvrent ?
Cette interrogation – sur la diversité géographique, sociale, culturelle des rédactions – mérite d’être approfondie. Car c’est aussi de là que dépend la richesse et la pluralité de l’information.