La télévision française reflète-t-elle la société d’aujourd’hui ?

La télévision française reflète-t-elle la société d’aujourd’hui ?

Malgré les recommandations de l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), la télévision française peine à représenter fidèlement la diversité qui compose la société en 2024. Que ce soit dans les programmes d’information ou de divertissement, l’écran reste encore loin de refléter la réalité sociale du pays.
 

Une audience en baisse, mais une influence persistante

En 2013, 84 % des Français déclaraient s’informer par la télévision. Dix ans plus tard, ils ne sont plus que 64 %. Si la télévision conserve sa place de premier média d’information – talonnée de près par Internet (hors réseaux sociaux) – elle enregistre une perte de vitesse, notamment auprès des jeunes, qu’elle ne parvient plus vraiment à séduire.
 

Qui prend la parole à l’écran ?

Dans son rapport sur l’année 2022, l’Arcom s’est penchée sur la représentativité à la télévision. Premier constat : la présence des femmes progresse, mais lentement. Elles ou les personnes perçues comme femmes occupent 39 % des rôles principaux à l’écran – un chiffre plus élevé sur les chaînes historiques. Cette proportion chute dès qu’elles appartiennent à plusieurs groupes discriminés : par exemple, seulement 25 % des personnes perçues comme en situation de handicap à l’écran sont des femmes, et 29 % chez les femmes de 50 à 64 ans.
 

Handicap : une invisibilité persistante

Alors que 13 % des Français déclarent une limitation sévère dans leurs capacités physiques, sensorielles ou cognitives (source : ministère des Solidarités), seules 1 % des personnes visibles à la télévision en 2022 étaient perçues comme en situation de handicap. Ce sont principalement dans les fictions que ces profils apparaissent.
 

Une diversité encore insuffisante

Les personnes perçues comme non-blanches représentaient 15 % des individus présents à l’écran en 2022, selon l’Arcom. Une progression timide (+1 point par rapport à 2021), mais une visibilité encore très faible sur les chaînes d’information en continu (9 %). Les habitants des Outre-mer, quant à eux, apparaissent à hauteur de seulement 1 % sur l’ensemble des chaînes, malgré un taux plus élevé sur celles du service public (7 % sur France Télévisions), engagées via le pacte de visibilité des Outre-mer.

Côté fictions, les rôles attribués aux personnes non-blanches sont trop souvent associés à des stéréotypes négatifs. Par contraste, les plateformes de streaming comme Netflix ou Disney+ affichent 43 % de représentations de personnes perçues comme non-blanches, et dans des rôles plus variés et valorisants.
 

Des territoires inégalement visibles

À la télévision, l’image renvoyée de la France est très urbaine… mais surtout centrée sur les cœurs de ville historiques (51 % des représentations), tandis que les zones périurbaines sont quasi invisibles (3 %). Les catégories sociales supérieures (CSP+) sont aussi massivement surreprésentées : elles occupent 74 % du temps d’antenne, alors qu’elles ne constituent que 28 % de la population.
 

Une télévision figée dans le temps ?

En matière de représentation, les plateformes américaines ont clairement pris une longueur d’avance. Que ce soit pour la diversité ethnique, la visibilité des femmes ou la prise en compte du handicap, les services comme Netflix s’avèrent bien plus inclusifs. Sur d’autres axes, comme la diversité des âges ou des classes sociales, les progrès restent toutefois limités, même sur ces plateformes.

L’Arcom encourage les médias, télévision en tête, à entamer un véritable travail de fond pour mieux refléter la société. Cette démarche est non seulement citoyenne, mais aussi stratégique : des études, comme le Hollywood Diversity Report de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), démontrent une corrélation directe entre diversité à l’écran et succès d’audience.
 

Diversité et performance : un lien mesuré

Selon des chercheurs du Center for Scholars & Storytellers (UCLA), l’analyse de plus de 100 films entre 2016 et 2019 révèle que les œuvres les plus inclusives, évaluées selon le Mediaversity Index (diversité des équipes, pertinence culturelle, qualité des récits), enregistrent de meilleures performances financières. Des titres comme Black Panther, Coco ou Wonder Woman tirent leur épingle du jeu, tandis que des films moins diversifiés comme Joker ou Shaft sous-performent au box-office, même avec de bonnes critiques.
 

Pourquoi certains publics se tournent vers d’autres médias

Le constat dressé par l’Arcom n’a que peu évolué ces dernières années. Ce manque de représentativité explique en partie le succès fulgurant de plateformes alternatives comme Twitch, qui s’adressent à un public plus jeune et plus hétérogène. Ces plateformes proposent des contenus incarnés par des profils bien plus divers que ceux que la télévision française met en avant.